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08 octobre 2019

Ouest France, « Les agents de la fonction publique souffrent beaucoup »

Retrouvez l'article  d'Aurore Toulon sur le site de Ouest France, publié le 3 octobre 2019


La santé des travailleurs, c’est leur boulot. Anne Quélennec est psychologue du travail à Quimper (Finistère). D’après son expérience, être fonctionnaire est loin d’être la planque tranquille qu’on caricature. Stress, épuisement professionnel : ces maux touchent particulièrement les agents de la fonction publique.
Anne Quélennec est psychologue du travail à Quimper.
Anne Quélennec est psychologue du travail à Quimper (Finistère). Elle fait le point sur la situation du stress et d’épuisement au travail. Entretien.
En tant que psychologue du travail, à quoi êtes-vous confrontée ?
Ça va du stress dans sa définition la plus vaste jusqu’aux salariés exposés à la violence, au harcèlement moral ou sexuel. On distingue le « burn-out », l’épuisement professionnel du « bore-out », quand on s’ennuie dans son travail. Certains sont mis au placard et n’ont vraiment rien à faire. Et on parle désormais aussi de « brown-out », pour les gens qui considèrent que leur boulot ne sert à rien.
Le burn-out n’est pas encore reconnu comme maladie professionnelle ?
Les choses évoluent dans ce sens. Dans le burn-out, on a souvent des gens très impliqués dans leur travail. Parfois la surcharge ne vient pas de l’entreprise mais du salarié lui-même qui ne sait pas s’arrêter, par besoin de reconnaissance, de faire ses preuves, d’être le meilleur…
C’est un phénomène violent ?
Oui ! Une victime de burn-out ne peut plus travailler. En plus des symptômes classiques dont l’épuisement, il y a souvent une forte baisse de l’estime de soi. Un patient me l’avait décrit d’une façon très imagée en me parlant de l’impression d’être un élastique sur lequel on a tiré pendant des mois et qui a lâché d’un coup.
Quelles professions rencontrez-vous le plus ?
Il y a des risques liés à chaque métier. Les aides-soignants en Ehpad [Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] doivent parfois faire face à l’agressivité de patients malades d’Alzheimer, les pompiers sont éprouvés par les situations qu’ils rencontrent. Il y a des métiers comme les policiers, les infirmiers et les médecins qui sont en souffrance parce que les valeurs sont très engagées.
L’épuisement professionnel n’est pas réservé aux cadres sup’alors ?
Non. C’est vrai qu’en ouvrant mon cabinet, je pensais que j’aurais surtout des cadres en entreprise. Et je me suis aperçue que les agents de la fonction publique souffrent beaucoup. On n’y pense pas forcément mais l’actualité le montre [avec le suicide d’une directrice d’école en région parisienne le 21 septembre].
Qu’est-ce qui peut expliquer ce mal-être dans la fonction publique ?
Il y a cette notion de service public et la volonté de bien faire, confrontées à la réduction de moyens. Et puis dans le privé on peut changer de travail si ça ne convient pas, mais dans la fonction publique ça ne marche pas pareil.
Dans les collectivités locales, les agents vivent au rythme de la vie politique. Avant une élection, les dossiers sont à l’arrêt dans certains services tandis que d’autres comme les services communications sont très sollicités. Et après l’élection, un changement d’équipe municipale peut avoir des conséquences sur l’organisation.
Et du côté de l’école ?
Les enseignants aussi sont touchés, je rencontre parfois des jeunes qui débutent et veulent changer de job au bout de deux ou trois ans. On leur donne souvent des classes multiniveaux en début de carrière. Résultat : ils ont beaucoup de préparation de cours le soir et ils s‘épuisent très vite. Si en plus les rapports avec les familles sont difficiles, ça devient vite différent de ce qu’on imaginait quand on a choisi ce métier…

05 mars 2014

Dictionnaire des risques psychosociaux Philippe Zawieja, Franck Guarnieri


Dictionnaire des risques psychosociaux - Philippe Zawieja, Franck GuarnieriDate de parution 20/02/2014
Sciences humaines (H.C.) 888 pages - 49.00 € TTC
Stress, suicide, harcèlement, épuisement professionnel, workaholism… Au-delà de la souffrance qu'elles désignent, ces notions souvent récentes constituent une approche inédite, et demandent à mieux être comprises, dans leur ensemble et isolément. C’est tout l'enjeu de ce dictionnaire, pionnier en son genre. Le lecteur y trouvera représentés, avec les 314 entrées (rédigées par 251 contributeurs) qui le composent, tous les champs disciplinaires s’intéressant à la souffrance au travail : psychologie du travail et des organisations, psychologie sociale et psychosociologie, psychanalyse, psychopathologie et psychiatrie, ergonomie, sociologie du travail et des organisations, médecine du travail, droit du travail et de la sécurité sociale, sciences de gestion, philosophie… Y sont détaillés les principaux concepts, notions, approches, méthodes, théories, outils, études, etc., ayant cours dans l’étude des risques psychosociaux, mais aussi certaines professions emblématiques (infirmières, travailleurs sociaux, agriculteurs, vétérinaires, éboueurs, policiers, entrepreneurs de travaux forestiers, employés des centres d’appel, etc.).

Ce vaste travail a été dirigé par Philippe Zawieja, chercheur associé au Centre de recherche sur les les risques et les crises (MINES ParisTech) et animateur de la cellule Recherche du groupe de santé européen ORPEA, et Franck Guarnieri, directeur du Centre de recherche sur les risques et les crises (MINES ParisTech) et directeur de la rédaction de la revue Cultures de sécurité. Ils ont également dirigé l'ouvrage Épuisement professionnel. Approches innovantes et pluridisciplinaires chez Armand Colin (2013).

30 janvier 2013

A voir: Sauf le respect que je vous dois

Diffusé sur LCP, le 02/02/13 à 17h et le 10/02/13 à 14h

Réalisé par Fabienne Godet (2006)
Avec Olivier Gourmet, Dominique Blanc, Julie Depardieu, Marion Cotillard, Jeffrey Barbeau, Jean-Michel Portal, Jean-Marie Winling, Pascal Elso, François Levantal.
Durée : 1h30.

Synopsis
Après avoir pris en chasse les trois occupants d'une voiture, un automobiliste s'arrête sur le parking d'un hôtel-restaurant, où il tente de reprendre ses esprits. Il est alors abordé par une jeune femme, qui lui demande de bien vouloir la conduire à la gare... Quelque temps plus tôt. La quarantaine, François Durrieux vit à Nantes avec son épouse, Clémence, et leur fils unique, Benjamin. Cadre supérieur dans une imprimerie locale, il se soumet sans broncher au rythme de travail soutenu imposé par le directeur, Dominique Brunner. Son ami Simon Lacaze, qui refuse de sacrifier sa vie privée, est d'ailleurs le seul employé à oser s'opposer à certaines des directives patronales...

À 40 ans, François a tout pour être heureux, une famille, un travail, des amis... Mais un tragique événement au sein de son entreprise va remettre en question les principes qui régissaient sa vie. François saura-t-il se réveiller et refuser ce qu'il juge maintenant intolérable ?

Bande annonce



Avis représentatif

Dans un petit bled, là où l'entreprise garantit l'emploi à proximité, un patron proche de ses collaborateurs qui peut se révéler un tyran dès lors qu'il n'y a plus aucun répondant face aux premiers abus de pouvoir, seulement l'explosion à retardement de colères trop longtemps contenues. Tous les ingrédients sont réunis pour que le boulot vienne transpirer dans tout ce qu'on fait. J'ai trouvé un peu caricatural cette peur de l'employé de dire ce qui ne va pas : par exemple, si le boss propose une façon de travailler qui sature, désolée mais il y a toujours possibilité de donner sa limite aussitôt afin de négocier un compromis au lieu d'obéir comme un bon petit soldat et attendre ensuite de péter les plombs. On peut encore se réfugier en maladie quand l'ambiance devient insupportable, demander de l'aide au médecin du travail, en tous cas s'extraire du bourbier momentanément pour ne pas devenir fou... La scène avec les deux crayons est insoutenable. Si ce film peut tirer la sonnette d'alarme de ceux qui n'osent jamais rien et préfèrent se détruire à petit feu, alors il sera utile.

Entretien avec Fabienne Godet réalisé par Dominique Widemann(extrait)Peut-on dire qu’il y a dans ce film deux suicides, l’un réel et l’autre social ?

Fabienne Godet. Il y a même d’autres morts. Certains spectateurs me disent qu’après un licenciement, tout le monde ne se suicide pas. Je crois qu’il existe de très nombreuses manières de se détruire. De la même façon, je voulais que le suicide de Simon, qui se déroule sur son lieu de travail, soit violent pour le spectateur, même si en réalité on n’en voit pas grand-chose. Il y a une telle banalisation de la violence au cinéma ou à la télévision qu’elle finit par anesthésier. Un choc me semblait nécessaire pour comprendre la violence de la réaction de François.

Pourquoi avez-vous choisi cette particularité narrative qui fait commencer le film au moment où François déjante, précédant ainsi l’histoire qui l’a conduit là ?

Fabienne Godet. L’écriture de ce film a duré deux ans, pendant lesquels elle a connu beaucoup de transformations. Le départ par un point de rupture est resté une donnée intangible. Je m’intéresse beaucoup aux faits divers, je conserve les coupures de journaux. On rend rarement compte de la réalité de ce qui se joue dans ces faits divers. Avant que les gens explosent, il y a toujours une violence subie.

Les souffrances des cadres émergent dans nombre de statistiques. La semaine dernière est sorti un documentaire sur le sujet : Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. Pourquoi avoir opté pour la fiction ?
Fabienne Godet. Mon expérience personnelle m’a rendue trop sensible. Il me fallait la distance de la fiction. J’ai finalement réalisé une sorte de documentaire sur moi-même. J’ai préféré passer par le biais de l’émotion, des ellipses qui lui laissent place. Lorsque je travaillais à l’accompagnement des mourants, je n’offrais jamais de références théoriques. Je conseillais des films ou des romans qui me semblaient susceptibles de permettre aux gens de se retrouver, de s’appartenir à nouveau. Avec Franck Vassal, mon coscénariste, nous avons commencé par écrire sur le thème de l’aliénation et de la rébellion de manière abstraite. Le réel nous a rattrapés. Nous nous sommes mis à poser des questions existentielles à partir de ce que nous connaissions. Je ne crois pas que la concomitance d’Ils ne mourraient pas tous… et de mon propre film soit une coïncidence.

Source de l'interview: http://agora.qc.ca/thematiques/mort/dossiers/sauf_le_respect_que_je_vous_dois

21 décembre 2012

Ecouter: Travailler mieux pour vivre mieux : réflexions pour d’autres perspectives d’organisation du travail

Ecoutez l'émission d'Adèle Van Reeth, Philippe Petit, Les Nouveaux chemins de la connaissance qui ont reçu le juriste Alain Supiot et le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours pour réfléchir à de nouvelles perspectives de travail...




De gauche à droite : Alain Supiot et Christophe Dejours AC LOCHARD © RADIO FRANCE






Cela ne devrait pas exister, mais c’est la triste réalité : il existe des femmes et des hommes malades du travail, il se rencontre des épuisés de la vie qui n’ont plus le courage de résister au « management de la peur » et à la pression gestionnaire. Ceux-la ne supportent plus la dévalorisation de leur métier, ils ont honte de la malfaçon, ils regrettent le temps de la coopération entre collègues ; alors, ils se sentent inutiles, et perdent toute estime de soi. Or contrairement à ce qu’on pouvait attendre, les travailleurs qui se suicident sur leur lieu de travail sont rarement des sujets marginalisés. Ce ne sont pas uniquement les bras cassés qui se suicident au travail. Et puis le malaise au travail ne débouche pas toujours – heureusement - sur de tels actes de désespoir. La souffrance s’y exprime parfois de manière sourde et diffuse. Et certains travailleurs sont contraints de suspendre leur pensée. Que veut dire alors cet état de chose ? Il signe la preuve que la gestion est entrée en lutte contre les métiers. Le travail en effet n’est pas objectivement mesurable, il ne se réduit pas au but à atteindre. Pour éprouver le fait de travailler, il faut mobiliser son intelligence, son savoir-faire, être rusé. Travailler, c’est se transformer soi-même, y compris par l’effort. Ce n’est jamais répondre uniquement au travail prescrit. Or la gestion fait croire le contraire. Elle entend tout maîtriser. Le gestionnaire en ce sens est un adversaire du travail. Et quand ce n’est pas le gestionnaire, ce sont les objectifs prescrits par les nouvelles technologies, et l’autocontrôle induit par des programmes reposant sur des objectifs exclusivement quantifiables.Pour ne pas entériner ce malaise, nous avons réunis un grand clinicien du travail et un grand spécialiste du droit social pour parler de souffrance au travail et de justice sociale. Nous les avons réunis pour tenter de penser ensemble l’intelligence subjective au travail et la coopération collective au travail.
En un mot : l’humanisation des rapports sociaux, et notamment dans le travail, laquelle permet de se réaliser soi-même dans des œuvres utiles à tous.

 Invité(s) :
Christophe Dejours, professeur titulaire de la chaire de Psychanalyse-Santé-Travail au Conservatoire National des Arts et Métiers Alain Supiot, professeur au Collège de France, Directeur de l'Institut d'études avancées de Nantes, auteur de « L'esprit de Philadelphie : La justice sociale face au marché total ».

03 novembre 2012

Lire l'article: La souffrance au travail, un mal oublié par les politiques, de Jean-Marie Durand


Jean-Pierre Darroussin dans "De bon matin"
Jean-Pierre Darroussin dans "De bon matin"

Dépressions, burn-out, suicides… : les symptômes de la souffrance au travail, identifiés par les sociologues depuis vingt ans, se développent. [...]

Le travail tue, on le constate tous les jours (un suicide par jour à cause du mal-être au travail), on en mesure les causes et les mécanismes depuis une vingtaine d’années grâce aux travaux décisifs de sociologues comme Christophe Dejours, Danièle Linhart, Vincent de Gaulejac, Robert Castel, Alain Ehrenberg, Richard Sennett… Les salariés ne sont pas tous morts, mais tous sont frappés. Quelque chose de destructeur est à l’oeuvre dans toutes les branches professionnelles du privé ou du public (services, industrie, professions libérales…), toutes les catégories (cadres, employés, ouvriers, techniciens…). Partout se manifestent les mêmes symptômes : stress, perte de sens, dépression, désenchantement, épuisement, incompréhension… Et pourtant tout continue, comme si de rien n’était. La souffrance au travail, noyée dans la masse des souffrances sociales qui l’englobent, ne forme pas le cadre d’une politique publique affirmée.
Comme le remarque le sociologue Christophe Dejours dans La Panne, son nouveau livre d’entretien avec Béatrice Bouniol, “la pensée du travail est à ce point en friche qu’un président de la République a pu se faire élire en 2007 sur le slogan ‘travailler plus pour gagner plus’, à un moment où les pathologies de surcharge explosaient, de la dépression au burn-out.”

Une souffrance dont l’Etat et les managers se moquent
Depuis la publication, en 1998, du livre marquant de Christophe Dejours, Souffrance en France, la question du mal-être au travail occupe cette place ambivalente dans le débat public, à mi-chemin de la marginalité politique et de la centralité de ses enjeux perçus par les sociologues, réalisateurs ou romanciers. Si de plus en plus d’indices témoignent de cette déshumanisation – suicides, dépressions, burn-out, troubles musculo-squelettiques et autres pathologies de la surcharge -, l’État et les managers s’en moquent largement, prétextant l’urgence de mener la guerre contre le chômage. Soyez heureux de souffrir au travail, au moins vous avez un emploi…

La misère du raisonnement dominant épouse la misère de ceux qui crèvent de l’injonction qui leur est faite de se sentir heureux. “Vivre en niant ce qui nous angoisse est notre lot”, souligne Dejours, pour qui l’idéologie gestionnaire du “new public management” déshumanise le monde du travail en isolant les individus, en imposant le management par objectifs (faire plus avec moins) ou l’évaluation individuelle des performances, dont les résultats ne reflètent pas l’ensemble du travail.
“Comment ne pas voir que le seul résultat ne dit rien même de la quantité de travail investie ? Comment le réduire à un résultat chiffré alors qu’il engage la personnalité tout entière ?”
Depuis quarante ans, l’approche clinique et psychodynamique du travail menée par Dejours tente de comprendre “le succès de ce système qui parvient à conserver l’assentiment de ceux qu’il maltraite chaque jour”. Le changement d’organisation ne peut précisément surgir que d’une réappropriation collective : ce n’est pas le harcèlement au travail qui est nouveau mais “le fait de devoir l’affronter seul”. “Le sentiment d’isolement au sein d’un environnement hostile, l’expérience de l’abandon, du silence, de la lâcheté des autres, voilà la marque de notre organisation du travail.” Or le sociologue persiste à penser que le travail est un “lieu unique d’émancipation et d’expérimentation de la vie en commun”, qu’il “contient un potentiel éthique par la coopération qu’il implique entre les individus”.

Affirmer la “centralité politique du travail”
L’idéologie managériale nie tout ce que les gens mettent d’eux-mêmes dans le travail ; l’engagement de leur subjectivité n’entre plus dans le circuit de la reconnaissance. Or les salariés que Dejours rencontre “ne nourrissent pas l’illusion d’être reconnus par un patron (…), ils revendiquent que leur contribution le soit, et qu’en outre, elle soit reconnue comme indispensable; la distinction est essentielle : le jugement d’utilité porte sur le travail et non sur la personne. (…) Mal poser la question de la reconnaissance, ce n’est pas répondre à la souffrance.”
Dejours pose surtout comme préalable absolu à une prise de conscience salutaire la nécessité d’affirmer la “centralité politique du travail”. 

Lire la suite de l'article de Jean-Marie Durand sur le site des Inrocks.

02 février 2012

Lire et écouter: l'émission de France Info consacré à la pièce Cassé de Rémi de Vos


"Cassé", une comédie acide sur le monde du travail, création à Saint-Denis

LE VENDREDI 3 FÉVRIER 2012 À 05:40, par Claire BAUDEAN




Rémi de Vos a écrit " Cassé " pour le metteur en scène Christophe Rauck. Une comédie grinçante sur le monde du travail, sur le suicide au travail, jouée par 8 comédiens plein d'humanité. Création de ce texte jusqu'au 12 février au TGP de Saint-Denis.


Cassé de Rémi de Vos au TGP de Saint Denis © Radio France Anne Nordmann
Le dramaturge Rémi de Vos, vient d’écrire pour huit acteurs et pour le metteur en scène et  directeur du Théâtre Gérard Philippe de Saint Denis Christophe Rauck, Cassé, un vaudeville social grinçant sur le monde du travail et sur le montage d’une arnaque au suicide lié à l'entreprise pour toucher la prime d’assurance. Cette tragi-comédie interprétée par une troupe d'acteurs formidables est créée au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis jusqu’au 12 février, mais elle n’a pas encore trouvé d’autres théâtres pour une tournée en France. C’est dommage, car cette pièce sur notre rapport au travail est une véritable machine à jouer avec une galerie délirante de portraits de salariés qui défilent dans un décor de cuisine avec comme chez Feydeau, un mari dans le placard.

Création de la pièce de Rémi de Vos, Cassé, au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis jusqu’au 12 février. Le texte vient d'être publié chez Actes Sud Papiers. Demain samedi 4 février à 21h, après la pièce, un dîner-lecture avec pot-au-feu est organisé avec l'auteur Rémi de Vos, et dimanche 5 février, toujours à l'issue de la représentation, une rencontre avec Yves Clôt, auteur, professeur, titulaire de la chaire de psychologie du travail du CNAM, Nicolas Frize, compositeur et Jean-Pierre Burdin qui coopère à l'action d'organisations, de syndicats ou d'associations pour promouvoir de nouvelles rencontres art-travail.
Cassé © Radio France Anne Nordmann
Ecouter des extraits de la pièce:


Ecouter l'entretien intégrale avec Rémi de Vos et Christophe Rauck


Ecouter l'émission dans son intégralité:

Retrouver l'article directement sur le site de France Info

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Lire d'autres articles sur Yves Clot:
http://cabinetquelennec.blogspot.com/2011/08/ecouter-yves-clot-travail-et-pouvoir.html
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07 juillet 2011

video: J’ai très mal au travail, cet obscur objet de haine et de désir

J'ai très mal au travail, cet obscur objet de haine et de désir, de Jean-Michel Carré
Destruction des formes de solidarité collective, solitude et mise en concurrence des salariés, systèmes d'évaluation permanents et encouragement à la délation, recours à des techniques de management qui occultent l'individu au profit du seul rendement : tout concourt à déshumaniser le monde du travail...

J'ai très mal au travail met l’accent sur une vérité qui dérange : un film engagé sur la montée en puissance du mal-être dans la vie professionnelle. Les images de souffrance et de résistance prennent ici tout leur sens à travers les analyses de chercheurs et de salariés à tous niveaux de hiérarchie.


04 juillet 2011

La motivation des jeunes diplômés

Europe 1 propose un article assez amusant aujourd'hui: "Les jeunes plus exigeants face au travail".
Une enquête TNS Sofres - EUROPE 1 révèle que 26 % des DRH ont du mal à recruter des jeunes parce qu'ils ont dit percevoir un manque d'expérience des candidats, et à pourcentage égal, un manque de motivation. 

Un jeune diplômé n'a pas 10 ans d'expérience
D'abord, le premier constat est vraiment très drôle, j'en ai d"ailleurs déjà parlé: en effet, un jeune diplômé manque d'expérience (on enfonce des portes ouvertes, là), ce qui est d'ailleurs l'argument sur lequel ils s'appuient bien souvent pour leur proposer un salaire si bas. 

Les jeunes ne sont pas motivés
Le deuxième constat ne paraît pas comique de prime abord. Les jeunes ne sont pas motivés... Serait-ce la raison pour laquelle la crise s'éternise ? Ces jeunes tire-au-flan n'ont pas envie d'accepter les nombreux postes passionnants proposés par les DRH ?

Le mouton à 5 pattes
Bon, il faut remettre quelques pendules à l'heure... D'abord, mon expérience en entreprise et en cabinet de recrutement m'a appris qu'en France, si on avait pas un CV quasi copier-coller de la fiche de poste du recruteur, ce n'était pas gagné pour décrocher le poste. Si les recruteurs étaient moins rigides, moins accrochés aux diplômes, aux grandes écoles et s'ouvraient aux personnes à potentiel, s'ils renonçaient à des critères plus ou moins légaux et/ou injustifiés, leurs difficultés se lèveraient comme par magie. Car vouloir toujours un bac+5, disponible, bilingue, mobile, pour un poste de faible qualification rémunéré au SMIC, c'est un peu aller dans le mur...

Travailler pour vivre ou vivre pour travailler ?
Ensuite, on cite une jeune femme, Julie, 24 ans qui a osé dire:""On ne vit pas pour travailler, on travaille pour vivre." Honteux ? Ce n'est pas si idiot que ça quand on reprend une enquête CSA pour Les Echos de mars 2005: 45% des Français s'arrêteraient s'ils disposaient de leur revenu actuel sans avoir à travailler. Julie n'est plus un cas isolé mais correspond à la moitié de la population... On enfonce le clou en expliquant que la jeune femme a choisi de travailler comme employée de banque à Paris, pour avoir un poste avec des horaires souples qui lui permet d’avoir du temps pour elle.

Personnellement, j'ai envie de la féliciter. Bien sûr, il est formidable d'avoir un travail qui passionne, où on ne compte plus ses heures, où on se donne à 100% et où se réalise pleinement. C'est l'idéal, mais c'est loin d'être le cas le plus fréquent, et nous n'attendons pas tous la même chose du travail. Cela dépend de nos valeurs, de nos motivations intrinsèques, de notre culture, de vision du travail... Vouloir développer plusieurs sphères dans sa vie, c'est aussi garantir sa santé mentale si l'une des sphères s'effondre.

Le marché de l'emploi aujourd'hui
Or, quelle est aujourd'hui la vision qui ressort quand on suit l'actualité ?
Les suicides d'Orange France Télécom ?
La souffrance au travail

Le manque de postes
Les travailleurs pauvres
Peut-on reprocher aux jeunes de manquer d'enthousiasme ?

13 vérités sur le travail (source)
  1. Nous consacrons en moyenne 90.000 heures de notre vie à travailler
  2. 80% des travailleurs sont mécontents de leur travail.
  3. Un quart des travailleurs taxent leur travail de source importante de stress. 4 sur 10 le qualifient même de « très voire extrêmement stressant » !
  4. Les couples dont les partenaires prestent 10 heures supplémentaires ou plus par semaine, ont deux fois plus de chances de se séparer.
  5. Chaque année, 13 millions de jours ouvrables sont perdus pour cause de maladie liée au stress.
  6. Chaque année, 10 000 Japonais succombent à leur bureau suite à des semaines de travail de 60 à 70 heures, maladie professionnelle au pays du soleil levant plus connue sous le terme de ‘karoshi’.
  7. Un Américain moyen a exercé avant ses 30 ans 7 à 8 jobs différents.
  8. Près d’un Américain sur deux prend du poids à cause du boulot : 28% prend 4 kilos et plus, 13% plus de 8 kg.
  9. Aux Etats-Unis, un travailleur ne prend en moyenne que 57% de ses congés. Près de la moitié des jours de congés légaux sont consacrés au travail.
  10. 25% de ceux qui prennent congé, contactent régulièrement le bureau par mail ou téléphone. 60% le fait aussi pendant les périodes de congé traditionnelles comme la Noël.
  11. Pour chaque euro gagné par un homme, les femmes ne reçoivent en moyenne que 0,54 euro. La discrimination salariale existe toujours bel et bien, en d’autres mots.
  12. 15% des femmes managers ont des relations sexuelles avec leur patron, 37% en reçoivent effectivement une promotion.
  13. Un travailleur moyen perd 100 heures par an dans le trajet domicile bureau.
Cherche à qui la crise profite
Il y a une phrase clé dans l'article d'Europe 1: Le constat peut étonner à l'heure où la crise sévit encore. Et oui, car il y a des gens à qui la crise pourrait profiter: les employeurs ! Quand il y a pénurie de main d’œuvre, on peut faire jouer la concurrence, baisser les salaires, augmenter le nombre d'heures, réduire les avantages sociaux, rendre les salariés corvéables: on trouvera bien quelqu'un sur le carreau prêt à tout pour s'en sortir... C'est un peu ce que Mr Wauquiez a en tête quand il parle du cancer de l'assistanat et veut faire travailler gratuitement les bénéficiaires du RSA.

Et la motivation dans tout ça ?
Les jeunes ne sont pas motivés. La phrase en elle même ne veut rien dire.
C'est quoi la motivation ? D'abord, ce n'est pas une qualité intrinsèque: il n'y a pas des gens motivés et des gens pas motivés. On n'est pas motivé par tout, tout le temps (ou bien on a un sérieux problème). Et on peut aussi ne pas être motivé par quelque chose qui motivera quelqu'un d'autre.
Faisons un parallèle: un homme au physique repoussant, méchant, pas drôle, sale, macho et vulgaire se plaint à un ami: "les femmes d'aujourd'hui ont un vrai problème: la preuve ? aucune ne m'aime" D'après vous, c'est aux femmes de se remettre en question ou bien à l'homme de changer ?
Voilà donc ma réponse aux DRH interviewés par Europe 1: vous trouvez que les jeunes diplômés ne sont pas motivés par les postes que vous leur proposez ? Et bien, demandez vous pourquoi vous n'arrivez pas à les séduire. (postes sous-qualifiés, mal rémunérés, précaires, sans perspectives d'évolution, sans gestion de carrière, avec des objectifs mal définis ou inaccessibles).
Et gardez cette phrase à l'esprit: if you want to pay peanuts, hire monkeys!

10 novembre 2010

A voir, "France Télécom, malade à en mourir" (Anne Quélennec, psychologue Quimper)

Après le reportage édifiant diffusé sur France 2 dans l'émission Envoyé Spécial, c'est au tour d'Arte de s'intéresser aux salariés d'Orange / France Télécom, avec un documentaire intitulé: "France Télécom, malade à en mourir", réalisé par Bernard Nicolas (co-auteur, avec Vincent Talaouit du livre: Ils ont failli me tuer) et Jacques Massard.

Le documentaire portera sur le plan de réduction des effectifs tristement célèbre de l'entreprise, mais également son historique durant les 30 dernières années pour mieux comprendre ce qui a pu engendrer cette terrible vague de suicide.

Diffusé le mardi 16 novembre 2010 à 22.15 sur Arte, rediffusé le 26 novembre 2010 à 10h30.

A regarder: Le désespoir est dans le pré, le 1er octobre 2010 sur France 4 (


France 4 consacre un documentaire à une profession qui souffre énormément et qui a connu pas moins de 800 suicides en 2009: les paysans, agriculteurs ou éleveurs.

Confrontés à la concurrence, à l'isolement, à nos politiques agricoles et aux marges de la grande distribution ou de l'industrie, ces professionnels sont de plus en plus nombreux à travailler plus pour perdre plus d'argent, n'ayant pour seules bouées de sauvetage que des aumônes sous la forme de subventions mais qui ne résolvent pas leurs problèmes actuels.

Comme quoi le mal-être au travail ne concerne pas que le monde de l'entreprise ou des salariés...

C'est un documentaire inédit signé Olivier Delacroix et Hugo Lopez que vous retrouverez le 1er octobre 2010 sur France 4 à 20.35.

29 septembre 2010

A lire: "Ils ont failli me tuer" de Vincent Talaouit et Bernard Nicolas


Alors que le magazine Envoyé Spécial de jeudi prochain sera consacré aux méthodes managériales de France Télécom-Orange, sort aujourd'hui le livre témoignage d'un ancien ingénieur de l'entreprise, "Ils ont failli me tuer, dans l'enfer de France Télécom" qui décrit la dégradation de ses conditions de travail durant les 13 années qu'il a passé dans cette entreprise. L'ingénieur a déposé une plainte pour harcèlement moral contre son employeur. L'ouvrage est complété par les témoignages d'autres anciens salariés qui renforcent ses propos.

Pour en savoir plus sur le livre: suivre ce lien

Pour voir l'interview-présentation des auteurs de ce livre: suivre ce lien

22 septembre 2010

A regarder: Envoyé spécial, jeudi 30 septembre 2010 sur France 2 (Anne Quélennec, psychologue, Quimper)


France Télécom: les apprentis sorciers ?

Le Magazine "Envoyé Spécial" du 30 septembre 2010 sera consacré à l'entreprise Orange - France Télécom. Après avoir bien tristement défrayé la chronique et susciter l'émotion après ses vagues de suicides (qui ne se sont pas interrompues), deux journalistes ont mené l'enquête auprès d'anciens salariés pour chercher à comprendre les dysfonctionnements à l'origine de ce puissant malaise. Ce sera l'occasion de décortiquer des méthodes managériales plus que douteuses: pousser à la démission ou à la faute, pressurisation, "écrémage"... Et de constater une fois encore les dramatiques dommages du harcèlement moral.

RV sur France 2, le 30 septembre 2010 à 20.35

23 août 2010

Seconde édition d'Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés de Marie Pezé (Cabinet Quélennec, psychologie du travail, Quimper)



Certains connaissent peut-être déjà la première édition de ce livre passionnant paru en 2008, d'autres ont pu voir le film-documentaire éponyme qui ne peut que faire réfléchir, que l'on soit salarié, élu du personnel, DRH, manager et surtout psychologue, inspecteur ou médecin du travail.

Pour ceux qui ne connaissent ni l'un ni l'autre, c'est un ouvrage rédigé par Marie Pezé, psychologue qui a ouvert la consultation "Souffrance et travail" en 1997 dans les Hauts-de-Seine. C'est le récit de parcours de salariés, des mécanismes organisationnels qui les ont abimés, parfois détruits. C'est aussi le constat des dégâts catastrophiques que provoque la précarisation du marché de l'emploi alliée à des politiques managériales fondées sur l'intensification permanente du travail (ou plutôt l'augmentation constante des objectifs), l'isolement et la mise en concurrence des salariés, mais également une forme de "soumission" de la part des salariés. Ce qui est dévoilé également ici, ce sont les impasses tragiques dans lesquelles se retrouvent ses salariés, les engrenages implacables qui les entraînent et les culpabilisent.

Marie Pezé n'a pas une fonction facile. Elle doit faire preuve de neutralité alors que tout ce qu'elle décrit pousse à un sentiment de révolte, une envie de prendre fait et cause pour ces accidentés du travail, une impression d'injustice pas suffisamment combattue par notre société. Elle y parvient néanmoins, grâce à un travail pluri-disciplinaire et la rencontre des différents acteurs du marché du travail.

Ce livre est aussi une sonnette d'alarme: on parle désormais un peu plus en France de harcèlement moral, de suicides sur le lieu de travail, mais la notion de karoshi reste méconnue tout en étant une réalité qui ne menace pas que les salariés japonais... C'est l'occasion pour les managers d'envisager une réorientation de leur politique RH aussi bien d'un point de vue éthique que rationnel, en évitant ainsi arrêts de travail, absentéisme, démission et accidents du travail...

J'en profite pour vous proposer de lire l'article du Monde datant du 24 juillet 2010, qui est assez sidérant: cf article.