03 mars 2013

Le burn-out, témoignage et entretien avec Aurélie Defois



Burn-out: quand le corps du stop! ©Phovoir
« Depuis 5 ans, je travaillais entre 60 et 70 heures par semaine. Et puis un jour, mon cerveau a fait un énorme bug ». Diagnostic: burn-out ! C’était il y a près de 4 ans. Aujourd’hui Stéphanie (prénom modifié), 39 ans, s’en est sortie. Elle parle librement de son histoire. Celle d’une jeune femme hyperactive, au point qu’elle en est devenue « un légume ». Témoignage.
Il y a encore 4 ans, Stéphanie était responsable commerciale dans une PME. Quatre vendeurs à diriger, des objectifs toujours plus ambitieux, « une pression intense de la hiérarchie »… Elle travaillait plus de 12 heures chaque jour, dormait 5 heures en moyenne par nuit. « A l’époque, je me voyais juste comme quelqu’un qui bossait  beaucoup et qui en faisait toujours plus que ce qu’on lui demandait. J’avais de grandes capacités de travail avec, c’est vrai, cette impression d’être plus forte que les autres. A tel point que je n’écoutais pas les mises en garde de mon entourage ». En parallèle, sa vie personnelle traverse également une tempête. « Je me suis retrouvée seule, avec deux enfants en bas âge ».
Son burn-out, Stéphanie ne l’a pas vu venir… malgré les alertes. « En quelques semaines, j’ai eu deux problèmes cardiaques. Je me suis écroulée, transportée aux Urgences. Dans les deux cas, j’ai eu une semaine d’arrêt. J’étais certes un peu fatiguée mais pas plus ou pas moins que d’habitude ». Une « habitude » qu’elle a payée un matin de mai, quand sa vie a basculé.
Clouée ! « J’ai des souvenirs assez imprécis de ce jour-là », nous confie Stéphanie. « Je me souviens qu’il m’était impossible de bouger mes bras. En fait, je ne pouvais plus bouger du tout. J’étais clouée sur place. J’éprouvais aussi des difficultés à parler. Le médecin est venu. Il m’a dit ‘Stop. Vous faites un burn-out ».
Son agonie va durer 6 mois. Six mois qu’elle a passés au fond de son lit, avec un quotidien rythmé notamment par la prise d’anti-dépresseurs et d’anxiolytiques. Six mois avant d’être capable « de re-formuler une phrase complète, sujet, verbe, complément ». Six mois avant de pouvoir soutenir une conversation de 3 à 4 minutes. « Je n’avais plus de mémoire immédiate. Mon cerveau s’était mis à fonctionner à deux à l’heure (sic) alors qu’il était habitué à faire 4 choses en même temps. J’ai été fortement ralentie pendant un an, comme hyper-épuisée. La moindre tâche du quotidien me demandait un effort insurmontable ».
Au cours de cette période, Stéphanie vit difficilement le regard des autres. Au point de culpabiliser. « On me disait : « il faut te secouer. Alors que les médecins me recommandaient surtout d’écouter mon corps. Je l’avais justement secoué trop fort, trop longtemps. Pour mes enfants, la maman hyperactive que j’étais s’était transformée en légume ».
3 ans ! « Les médecins m’avaient dit que je mettrais 3 ans à récupérer. Sur le coup, j’ai hurlé. Avec le recul, je dois bien reconnaître qu’ils ne se sont pas trompés ». Un repos forcé, une thérapie, du temps, de la patience… Stéphanie va lentement remonter la pente. Au point de dire : « aujourd’hui, je m’en suis sortie ».
Licenciée il y a deux ans et demi alors qu’elle était en arrêt de travail, elle se « remet progressivement dans la peau de quelqu’un qui va devoir retravailler. Je me donne 6 mois à un an ». Ces quelques mots glissés, l’air de rien, montrent qu’elle est cette fois-ci décidée à prendre son temps. Et à hiérarchiser ses priorités. Loin de la « Stéphanie d’avant » qui faisait tout en même temps. « De tout cela » conclut-elle, « j’ai surtout appris que chacun dispose d’un capital d’énergie disponible. Et nous ne pouvons pas aller au-delà… ».
Ecrit par David Picot – Edité par Marc Gombeaud
Source : Destination santéInterview de Stéphanie, février 2013


Le burn-out, «comme une bougie qui se consume…»



Illustration de l'article : Le burn-out, «comme une bougie qui se consume…»

Quels sont les professionnels les plus exposés au risque de burn-out ? Quels signes doivent alerter ? Après le témoignage de Stéphanie hier, Aurélie Defois, psychologue spécialisée dans l’accompagnement de la souffrance au travail insiste sur l’importance de la prévention.
Tous les métiers ? Médecins, infirmiers, travailleurs sociaux… « Le secteur médico-social a longtemps été en première ligne », nous explique-t-elle. « Il s’agit de professionnels qui prennent en pleine face les problèmes voire l’agressivité des autres. » Depuis quelque temps, elle observe toutefois que le profil des victimes sort de plus en plus de ce secteur d’activité. « Aujourd’hui cela tend à s’élargir à tous les secteurs d’activité, notamment chez les cadres et les managers du fait de la pression. Dans tous les cas, il s’agit le plus souvent de personnes très impliquées dans leur travail, guidées par des valeurs fortes et qui éprouvent le besoin de se sentir utiles. A un moment donné, elles subissent un grand décalage entre leurs attentes et la réalisation de ces dernières sur le terrain. Et elles en viennent à perdre leur estime d’elles-mêmes. »
Quels signes ? Aurélie Defois explique que « les victimes nous racontent souvent qu’elles n’ont rien vu venir. » Il n’empêche que certains comportements doivent vraiment alerter. « Sur le plan émotionnel, on éprouve un sentiment d’impuissance, on est gagné par le pessimisme alors que ce n’est pas du tout dans sa nature… Les victimes de burn-out se placent en retrait des autres : les membres de la famille, les amis, les collègues. Au travail, progressivement elles s’isolent et modifient leurs comportements.  Elles souffrent aussi de troubles de la concentration, et de la mémoire. La qualité du travail s’en trouve altérée. Ces personnes perdent leurs capacités de discernement et d’action rapide, alors même qu’elles faisaient leur force jusque-là. » Elle ajoute enfin certains signes physiques : « troubles du sommeil, fatigue, maux de tête à répétition, problèmes de dos, difficultés à se lever le matin, perte de la motivation… »
En parler. En conclusion lorsque l’on se sent épuisé au travail, « il ne faut surtout pas rester seul. Il faut en parler, à son entourage, à son médecin ou à sa hiérarchie même si peu de managers sont formés à ce type d’écoute. Ne pas hésiter non plus à consulter un psychologue ou un psychiatre ». Quant aux personnels connectés 24h sur 24h à leur entreprise via les portables – téléphone et/ou ordinateur – « ils doivent apprendre à se ménager du temps. Il est important de couper mais aussi de conserver une bonne hygiène de vie, en termes notamment d’alimentation et de sommeil. Le burn-out est une maladie sournoise. C’est comme une bougie qui se consume lentement. Un jour, il n’y a plus rien. »
Ecrit par David Picot – Edité par Emmanuel Ducreuzet
Source: Le Perche

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