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Déconfinement : ces salariés ne veulent plus retourner sur leur lieu de travail
Avec le déconfinement, bon nombre de salariés appréhendent le retour au bureau. Certains nous expliquent pourquoi ils ont décidé de sauter cette étape... Pour de bon.
Ni les collègues, ni la liberté retrouvée, et pas même la pause café ne leur manquent. Comme beaucoup de Français.e.s, Sandrine et Johanna* n’ont qu’une crainte depuis le début du déconfinement : reprendre le chemin du travail.
Après deux mois d’isolement, l’une et l’autre sont arrivées à la conclusion qu’elles n’y retourneraient sans doute pas – plus du tout, même. Parce que la peur de revenir à « la vie d’avant » est bien trop forte. Parce que leur emploi n’est plus celui qu’il était. Mais surtout parce qu’elles ne sont plus celles qu’elles étaient.
La vie « d’avant » et la vie « de maintenant »
« Avant, j’étais passionnée par mon métier. Pour moi, c’était tout. » Sandrine, 53 ans, vient de faire une croix sur 30 ans de carrière. Auxiliaire puéricultrice dans une crèche dans le Nord, elle s’est surprise à rêver d’autre chose pendant son arrêt maladie, suivi de la période de confinement.
Elle explique :
Je me suis rendue compte que ce boulot ne me manquait pas. En fait, j’étais même ravie de ne pas y retourner… Parfois, je me disais même que, d’une certaine façon, j’avais de la chance d’être en arrêt.
Confinée, Sandrine a en effet dû gérer de multiples angoisses, « amplifiées » par sa condition physique [elle a été opérée d’une hernie discale en début d’année, ndlr.]. « Je suis passée d’un extrême à l’autre, poursuit-elle. Pour moi, il y a désormais la vie d’avant et la vie de maintenant. »
Avant, c’était extrêmement dur pour moi de me dire que j’étais en arrêt maladie [elle a été une première fois en arrêt il y a deux ans, à la suite d’une opération, ndlr.]. Je me disais que j’abandonnais les collègues, les enfants de la crèche… J’étais pleine de culpabilité. Mais aujourd’hui, c’est tout l’inverse, je ne m’y vois plus du tout.
Le « bon moment » pour changer de voie
Physiquement, moralement… Rien n’y fait, Sandrine veut tourner la page. « Je m’étais déjà posée la question lors de mon premier arrêt. Il faut dire qu’on a de mauvaises conditions de travail, ce qui peut expliquer mes problèmes de dos et ma fatigue… », soupire t-elle.
Mais la vraie réflexion est arrivée pendant le confinement.
Ces deux mois, elle les a passés à tester de nouvelles activités, seule ou en famille. « Tout un tas de choses » qu’elle « ne faisaient pas ou plus » en temps normal, par manque de temps ou d’énergie :
Je me suis aperçue que les sorties ne me manquaient pas. Au même titre que le boulot, tout, comme les virées dans les magasins, m’a semblé superficiel. En fait, j’ai fait une pause pour réfléchir et faire ce qui me plaisait vraiment.
Décidée à changer de voie, elle finit par lancer, avec l’appui de son fils, son propre blog de décoration. « Ça ne fait que 15 jours, explique-t-elle. Mais j’ai commencé à écrire des articles, à donner quelques conseils… » En parallèle, elle entame des démarches avec son médecin pour qu’elle soit reconnue « inapte » au travail.
Je me suis dit « stop, c’est le bon moment pour changer ».
Sans « tout ça », Sandrine le sait, elle « aurait fini par retourner au travail ». La boule au ventre en plus.
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Johanna est devenue phobique
À quelques kilomètres, dans le Grand Est, Johanna, 26 ans, vit elle aussi dans l’angoisse de retourner au travail. Réceptionniste dans un hôtel-restaurant, elle a développé une « phobie sociale » pendant le confinement.
« Je ne sortais que pour aller faire des courses, parce que j’avais peur de me confronter aux autres. De base, je suis une personne anxieuse, un peu germaphobe (se dit d’une personne qui a craint les microbes et les bactéries, ndlr) », raconte-t-elle.
Alors, quand on m’a dit que j’allais reprendre le travail alors que le déconfinement n’avait pas commencé, j’ai commencé à faire des crises d’angoisse et mon cerveau a dit « stop ». Je ne voulais pas que tout redevienne comme avant, comme faire la bise à quelqu’un.
Si aujourd’hui elle s’est habituée aux gestes barrières et craint de moins en moins la présence d’autres personnes autour d’elle, la jeune femme regrette cette période d’isolement, durant laquelle elle s’est sentie « revivre ».
Comme Sandrine, elle s’est laissée tenter par de nouvelles occupations – le sport, la cuisine – qu’elle n’avait pas avant, faute de temps.
Durant le confinement, j’ai enfin pris soin de moi. J’ai aussi beaucoup réfléchi et je me suis dit que ce secteur d’activité n’était vraiment pas fait pour moi.
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Fuir les clients et employeurs qui « râlent »
À son poste depuis un an et demi et en CDI, Johanna peine toutefois à tirer un trait dessus. Pourtant, les inconvénients de ce travail s’accumulent et pèsent sur son quotidien. Ainsi, elle s’aperçoit rapidement qu’elle ne peut et ne veut plus « faire des heures en décalé », son réveil sonnant généralement à 4 heures du matin.
« Je veux des horaires fixes, pour avoir le temps de faire des choses chez moi », explique la jeune femme de 26 ans, ajoutant :
Je n’ai pas non plus envie de retrouver des gens qui vont râler toute la journée et des employeurs qui font toujours la tête… Mais je sais aussi que je n’ai pas encore trouvé ma voie.
Johanna le reconnaît, pendant le confinement, elle a pu s’enfermer dans « une bulle ». « Sans prendre en compte les victimes du coronavirus, pour moi, cette période c’était le paradis. C’était le rêve de ne plus aller au travail et je me plaisais chez moi. »
Le confinement, je l’ai considéré comme un arrêt de travail. Un arrêt de travail, c’est fait pour se soigner, et là, c’était un peu le cas pour moi.
Pas totalement remise sur pied, Johanna se cherche encore. Elle sait simplement qu’une autre mission l’attend quelque part, loin de cet hôtel.
*Les prénoms ont été modifiés.
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