Emoi à Pôle emploi, « infiltré » par France 2
Un joli coup
Avec "Les Infiltrés", on ressent
toujours un peu les mêmes sentiments ambivalents. L'émission sur Pôle
emploi qui devrait être diffusée vendredi soir 1er février sur France 2 ne déroge pas à la règle. A grand
renfort d'images floutées et sous-titrées, les journalistes de l'agence
Capa, qui produit le film, réalisent d'abord un joli coup.
Incapacité des agents à faire leur métier
Ils montrent de manière éloquente ce que nombre
de rapports écrivent depuis longtemps, mais qu'on n'a jamais vu aussi
concrètement : l'incapacité des agents de Pôle emploi à faire leur
métier, l'accompagnement des chômeurs. En cela, leur reportage est
particulièrement efficace.
Les journalistes, qui ont infiltré deux agences en mai et
mi-novembre, montrent des agents écrasés par l'explosion du chômage et
par les rigidités administratives de l'organisme. Ceux-ci n'arrivent pas
à suivre les chômeurs au moins une fois par mois, contrairement à
l'objectif officiel tel qu'il était formulé jusqu'à peu.
Une demi-journée pour recevoir certains des 160 chômeurs de son "porte-feuilles"
Il faut voir comment lors de l'entretien d'embauche de la
conseillère-journaliste, le responsable RH explique crûment que son job
sera notamment "d'écraser" les projets de formation des chômeurs qui
souhaiteraient s'orienter vers des secteurs peu porteurs. Il faut voir
comment la journaliste découvre que dans son planning, elle n'aura
qu'une demi-journée par semaine pour recevoir certains des 160 chômeurs
de son "porte-feuilles". Pour remplir les objectifs, on essaye
de multiplier les contacts par téléphone, qui seront décomptés même si
le chômeur ne répond pas.
Un gâchis
Dans une des agences filmées, 600 chômeurs n'ont même pas de conseiller attitré et atterrissent dans un mystérieux "porte-feuilles tampon",
celui du responsable, qui n'a bien sûr jamais le temps de les recevoir.
Et cela tombe plutôt bien, car il s'agit des chômeurs souvent "incasables", plaisante le responsable. "Je ne pensais pas que Pôle emploi était dans cet état", confie la réalisatrice du reportage, avec qui on ne peut tomber que d'accord, face au gâchis qui transparaît de son film.
Une bonne image des conseillers
Dans ce contexte, les conseillers des agences "infiltrées" (dont une à Marseille, à en croire la CGT,
qui a écrit à la direction de France 2 pour dénoncer "un piège
journalistique" et demandé de ne pas diffuser le reportage) semblent
faire tout ce qu'ils peuvent. Contrairement aux craintes du syndicat, le
reportage les montre plutôt sous une bonne image. Malgré le manque de
moyens, ceux-ci semblent en effet toujours prendre le temps de chercher
une solution de garde pour les enfants d'une chômeuse en larmes ou de
réinscrire un chômeur qui dit n'avoir pas reçu sa convocation à un
entretien. Et ce même si certains enchaînent les CDD depuis deux ans.
Reste que la CGT estime que les salariés de l'agence pourraient être
"mis en danger" par le reportage.
Refus du service de presse de laisser Capa filmer
Capa a pris le soin de multiplier les plans où l'on voit le service de
presse refuser à la réalisatrice de venir faire un reportage dans une
agence. Refus qui constitue la condition que Capa dit s'imposer pour
justifier une infiltration. "S'ils avaient accepté de nous laisser filmer librement dans une agence, nous n'aurions pas fait une émission infiltrée", promet le rédacteur en chef de l'émission, Jean-Paul Billault.
"Nous n'avons pas pu recevoir la journaliste parce qu'elle
avait des demandes trop fluctuantes et parce que Capa a toujours une
histoire préécrite en tête avant de faire son reportage", assure-t-on en réponse à la direction de Pôle emploi."Les salariés des agences infiltrées sont morts d'inquiétude", glisse-t-on pour critiquer la méthode. Ce à quoi répond, M. Billault, cinglant, "je ne vois aucune raison qui justifie qu'un service public ne permette pas à la presse de suivre son travail".
Fin du suivi mensuel personnalisé pour tous
Les
invités en plateau devraient permettre de prolonger utilement le
reportage avec notamment la réaction de Michel Sapin, ministre du
travail, ou de Jean Bassères, directeur de Pôle emploi, s'ils acceptent
toutefois de venir s'exprimer. Les deux infiltrations ont en effet eu
lieu en pleine période de transition pour le suivi des chômeurs. A
partir de cet hiver, Pôle emploi a mis fin au suivi mensuel personnalisé
pour tous, remplacé par un "suivi différencié" (lire à ce propos : "Les conseillers de Pôle emploi pourront suivre jusqu'à 350 chômeurs"),
qui devrait permettre de concentrer les moyens sur les chômeurs qui en
ont le plus besoin. Réalisé bien avant cette transition, le reportage de
France 2 ne permet pas de savoir si cette réforme soulage un peu les
agents.
Regarder l'émission Les Infiltrés, "Pôle Emploi: mission impossible"
RÉSUMÉ
C'est un «système» que tout le monde connaît, mais dont personne ne peut imaginer l'aspect kafkaïen : Pôle emploi... un sujet d'actualité s'il en est, au moment où le nombre de demandeurs d'emploi ne cesse d'augmenter. Aujourd'hui, Pôle emploi accompagne plus de 3 millions de personnes, presque un million de plus qu'il y a quatre ans, au moment de sa création. Pour faire face à cette vague, l'organisme a recruté des agents en CDD d'un an dans le courant de l'année 2012. Une journaliste a réussi à intégrer une agence importante d'une grande ville française : une embauche sans vraie sélection et avec une formation sur le tas.
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